Le domaine de la médecine est en évolution perpétuelle, et les professionnels de la santé aspirent continuellement à se tenir au fait des plus récentes lignes directrices de pratique clinique. Cet article, le deuxième d’une série de 3, fait la synthèse d’actualisations faites en 2023 de guides de pratique portant sur les soins respiratoires, la dermatologie, la gastroentérologie, la prise en charge des commotions cérébrales et l’urologie. En présentant ces révisions sous forme concise et accessible, nous avons pour but d’exposer les médecins de famille aux connaissances requises pour intégrer efficacement les plus récentes recommandations fondées sur des données probantes dans leurs pratiques au quotidien et, en définitive, d’améliorer les résultats chez les patients.
La Société canadienne de thoracologie (SCT) et la Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) recommandent d’amorcer un traitement d’entretien avec soit un antagoniste muscarinique à longue durée d’action (LAMA) ou encore un β2-agoniste (LABA) chez tous les patients atteints d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) (recommandation conditionnelle)1,2. En outre, chez les patients dont la MPOC est stable et les symptômes de modérés à sévères (score au questionnaire modifié du Conseil de recherches médicales de ≥2 ou au test d’évaluation de la MPOC de ≥10), mais ayant un faible risque d’exacerbations et un volume expiratoire forcé en 1 seconde de moins de 80 % (groupe B de GOLD), ces lignes directrices recommandent maintenant une thérapie combinée par bronchodilatation LAMA-LABA comme traitement de première intention (recommandation conditionnelle, données probantes de qualité modérée)1,2. Dans ce groupe de patients, la combinaison LAMA-LABA a une plus grande efficacité et des effets secondaires comparables2.
La SCT recommande fortement d’amorcer une triple thérapie par inhalation combinant un LAMA, un LABA et des corticostéroïdes inhalés (CSI) pour les patients atteints d’une MPOC qui sont à risque plus élevé d’exacerbations et ont un fardeau de symptômes plus important (forte recommandation, données probantes de grande qualité)1. Dans cette population, GOLD adopte une approche plus progressive. Dans le groupe à risque le plus élevé, GOLD recommande de commencer par une thérapie par bronchodilatation avec un LAMA plus un LABA2. La triple thérapie avec un CSI fait l’objet d’une recommandation conditionnelle, et ce, si le décompte d’éosinophiles sanguins est supérieur à 0,3×109/L, mais elle se base sur des données probantes directes limitées chez des patients jamais traités (recommandation conditionnelle, données probantes de faible qualité)2. La SCT recommande de ne pas rétrograder à un traitement par bronchodilatation double LAMA-LABA (recommandation conditionnelle, données probantes de faible qualité)1. Les lignes directrices de la SCT et de GOLD recommandent de ne pas utiliser des combinaisons de LABA et de CSI, sans un bronchodilatateur LAMA lorsqu’un CSI est indiqué dans la prise en charge de la MPOC1,2.
L’American Academy of Dermatology recommande d’envisager des inhibiteurs topiques de la calcineurine, comme le pimécrolimus en crème ou le tacrolimus en onguent, comme solutions de rechange aux corticostéroïdes pour les zones de peau sensibles et pour la dermatite atopique (DA) de légère à modérée chez les adultes (force de la recommandation non citée)3. Le crisaborole en onguent à 2 %, un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 4, est recommandé pour les patients atteints de cas de DA semblables. Par ailleurs, ces recommandations n’atténuent pas le rôle essentiel que jouent les corticostéroïdes topiques dans le traitement de la DA. Pour les patients dont la DA est modérée et mal contrôlée par des traitements topiques, le ruxolitinib en crème (un inhibiteur des Janus kinases) est recommandé, mais les auteurs des lignes directrices ont souligné les risques d’infections graves, de cancer et de thrombose qui lui sont associés. Les auteurs encouragent fortement l’usage d’émollients et d’hydratants dans les soins d’une DA, surtout après le bain, et de traitements avec bandages humides pour les flambées sévères de la DA. Ces lignes directrices découragent le recours systématique aux antimicrobiens topiques, aux antihistaminiques et aux antiseptiques, mais reconnaissent que des bains javellisés pourraient aider à prévenir les infections.
L’American Gastroenterological Association recommande d’utiliser une combinaison de symptômes signalés par le patient et de biomarqueurs objectifs pour la surveillance des patients souffrant de colite ulcéreuse (recommandation conditionnelle, certitude modérée des données probantes)4. Cette ligne directrice recommande le dosage aux 6 à 12 mois de la calprotectine fécale, de la lactoferrine fécale et de la protéine C réactive comme biomarqueurs de l’activité de la maladie. Cette approche multimodale concorde avec la stratégie évolutive du traitement ciblé qui accorde la priorité à la rémission symptomatique et endoscopique pour réduire le risque de rechute, l’usage de corticostéroïdes et les complications. Des dosages élevés de biomarqueurs chez des patients asymptomatiques laissent présager une inflammation active et incitent à procéder à une évaluation endoscopique, tandis que les patients dont les dosages sont normaux pourraient éviter les endoscopies de routine en l’absence de symptômes.
Dans une actualisation des Living Concussion Guidelines de l’Ontario, il est recommandé que les patients commencent des activités physiques et cognitives de 24 à 48 heures après la blessure et augmentent progressivement l’intensité de ces activités dans la mesure où elles sont tolérées, et d’une manière qui ne se traduit pas par une exacerbation considérable ou prolongée des symptômes (aucune mention de la qualité des données probantes fournie)5,6. Le repos complet au-delà de 48 heures est découragé, parce que des données probantes montrent qu’il pourrait retarder le rétablissement. Les patients devraient recommencer des activités considérées comme étant à faible risque de commotion cérébrale, même s’ils ont de légers symptômes résiduels. Une progression étape par étape vers le retour aux activités peut se produire si les symptômes après les activités n’augmentent pas de plus de 2 points sur 10 sur une échelle de base de la sévérité et se résorbent dans l’heure qui suit.
Les Living Concussion Guidelines actualisées indiquent que les adultes qui ont des symptômes post commotion prolongés devraient être informés à propos des niveaux de tolérance et de l’approche progressive à l’exposition (données probantes de niveau B)5. Au lieu de prescrire le repos complet, qui pourrait prolonger le rétablissement, les lignes directrices recommandent que les patients augmentent graduellement leurs activités physiques et cognitives jusqu’à l’apparition de légers symptômes (une hausse inférieure à 2 points sur 10 sur une échelle de base de la sévérité) et aillent légèrement au-delà de ce degré avant de se reposer et de recommencer. Cette approche équilibrée, semblable à celle du traitement d’une foulure, vise à augmenter la tolérance avec le temps sans causer une exacerbation considérable ou prolongée des symptômes, qui nuirait au fonctionnement au quotidien ou qui persisterait le jour suivant. Cette stratégie d’exposition graduelle peut s’appliquer à tous les déclencheurs de symptômes, y compris aux sensibilités sensorielles comme le bruit et la lumière.
Pour les patients adultes dont la fatigue cognitive est considérable plus de 3 mois après une commotion cérébrale et qui n’ont pas répondu aux traitements non pharmacologiques, les Living Concussion Guidelines suggèrent d’envisager un essai de méthylphénidate (données probantes de niveau A)5. S’il est commencé à faibles doses, comme 5 mg une fois par jour, puis potentiellement augmenté à 5 mg 2 fois par jour, le méthylphénidate peut améliorer la vivacité, la vitesse de traitement et la mémoire fonctionnelle. Des améliorations dans l’attention, la concentration et la fatigue sont souvent observées rapidement, mais les patients devraient consulter leur médecin avant d’arrêter d’en prendre.
Les Living Concussion Guidelines recommandent la luminothérapie à la lumière bleue comme option pour réduire la fatigue et la somnolence diurne excessive chez les patients adultes dont les symptômes post commotion persistent (données probantes de niveau A)5. Une exposition matinale quotidienne à des longueurs d’onde de lumière bleue d’environ 460 à 480 nm synchronise les rythmes circadiens, inhibe la mélatonine et augmente la vivacité. Des données probantes font valoir qu’une luminothérapie à la lumière bleue de 30 minutes le matin pendant 6 semaines peut efficacement combattre la somnolence diurne, la fatigue et la dépression à la suite d’une commotion cérébrale.
L’Association des urologues du Canada recommande la surveillance active par imagerie de suivi pour les kystes rénaux de catégories Bosniak III et IV mesurant 2 cm ou moins qui sont stables et présentent un faible risque de cancer (forte recommandation, données probantes de qualité modérée)7. En dépit de leur potentiel cancérigène, ces petits néoplasmes kystiques multiloculaires sont de plus en plus reconnus comme présentant un faible risque de métastases et d’excellents pronostics lorsqu’ils sont de petite taille. Par ailleurs, leur excision chirurgicale, préférablement par néphrectomie partielle, demeure l’approche recommandée pour les kystes mesurant 4 cm ou plus, ceux qui grossissent rapidement (≥0,5 cm par année) ou chez les personnes qui sont à risque oncologique plus élevé et chez qui la surveillance active n’est pas une option ou qui refusent la surveillance (recommandation conditionnelle, données probantes de faible qualité).
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